Madame la Ministe
Madame la Ministre
Après avoir été un temps pleins d’espoir à l’annonce de votre arrivée à la tête de notre ministère nous avons dû déchanter ! Et aujourd’hui le monde du spectacle, vos « chers amis » sont frappés de sidération ! Aucune leçon n’a été tirée de ce terrible sinistre dont est victime le secteur du spectacle vivant depuis le mois de Mars !
Nous voudrions que vous, vous les « décideurs », vous ayez le courage de laisser ouverts les théâtres comme vous laissez ouverts les entreprises, les écoles et les transports publics. Tous les chiffres démontrent jour après jour que c’est en entreprise, à l’école, dans les transports que circule prioritairement le virus ! Comment pouvez-vous accepter qu’un geste politique détruise sans scrupule tout un secteur de notre vie culturelle ?
Instaurez une dérogation au couvre-feu pour les personnes porteuses d’un billet de spectacle et laissez-nous jouer ! Faites-nous confiance ! Nous savons gérer la crise sanitaire ! Les salles ont réussi à rouvrir et pas un foyer de contamination n’est apparu dans nos lieux de manifestations. Nous nous redressons juste après six mois de galère !
Ni les guerres, ni les camps de concentrations, ni les bombardements, ni les famines, ni les épidémies quoique vous en disiez, n’ont entrainé la fermeture des théâtres ! C’est vous qui aurez la lourde responsabilité historique de cette décision politique !
Sachez-le bien, qui laisse fermer les théâtres fait fermer les boutiques ! Sachez-le bien, qui laisse fermer les théâtres de Paris, fait une chose que nos plus redoutables années n’ont pas faite ; que l’invasion n’a pas faite. Qui ferme les théâtres de Paris éteint le feu qui éclaire, pour ne plus laisser resplendir que le feu qui incendie ! Osez prendre cette responsabilité !
Madame – Messieurs, cette question des théâtres est maintenant un côté, un côté bien douloureux, de la grande question des détresses publiques. Ce que nous invoquons ici, c’est encore le principe de l’assistance. Il y a là, autour de nous, je vous le répète, vingt mille familles qui nous demandent de ne pas leur ôter leur pain ! Le plus déplorable témoignage de la dureté des temps que nous traversons, c’est que les théâtres, qui n’avaient jamais fait partie que de notre gloire, font aujourd’hui partie de notre misère.
Victor Hugo extrait des Actes et paroles/Avant l’exil/ note 3 : SECOURS AU THÉÂTRES 17 juillet 1848. Nous n’avons pas mis de guillemets pour que vous entendiez ces mots, non comme une citation littéraire mais comme l’expression de notre révolte.
De la survie du spectacle vivant dépend celle de toute l’économie qui vit autour des salles de théâtre, des festivals, des salles de concerts, des plus grandes aux plus petites.
De la survie du spectacle vivant dépend la cohésion du tissu social
De la survie du théâtre vivant dépend la transmission des valeurs fondamentales de notre pays.
De la survie du théâtre vivant dépend l’avenir car sans utopie, sans divertissement, sans rêve, sans création, il n’y a pas d’avenir.
Madame la Ministre, s’il vous plaît, portez un regard attentif sur nos artistes, ne laissez pas notre culture s’éteindre.
Veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de de nos sentiments les meilleurs
Béatrice Cramoix, artiste lyrique, présidente-fondatrice de La Péniche Opéra de Paris, professeur retraité de la HEM de Genève
Mireille Larroche, Fondatrice de la Péniche Théâtre et de la Péniche Opéra, metteur en scène, professeur de scène à l’école Normale de Musique de Paris-salle Cortot.