Texte d’Arianne Mnouchkine

20 juin 2024    

Bonjour à toutes et à tous.

Merci de consacrer quelques minutes de votre attention à ce texte.
Je n’ai rien à ajouter que renouveler toute mon admiration pour cette grande dame du théâtre.

Voici ce que déclare Ariane Mnouchkine dans libé.fr .
(faites circuler, svp, merci)

Après l’annonce de la dissolution du gouvernement par Emmanuel Macron, la fondatrice du Théâtre du Soleil s’interroge : que fait-on à la première loi qui passe et qui restreint arbitrairement les libertés ? Quand décide-t-on de fermer, d’arrêter ? Ou, au contraire, va-t-on se raconter qu’on résiste de l’intérieur ?
«Qu’est-ce qu’on n’a pas fait ? Ou fait que nous n’aurions pas dû faire ? On pensait qu’on avait trois ans pour y réfléchir et soudain, ce geste du président de la République – ce geste d’adolescent gâté, plein de fureur, de frustration et d’hubris – et nous n’avons plus que trois semaines. Aucune organisation sensée, aucune réflexion n’est possible. Emmanuel Macron aurait pu dire : «Je dissous le premier septembre». Non ! Il veut punir. Il déverse un bidon d’essence sur le feu qui, déjà, couvait. Il met le feu à notre maison, à notre pays, à la France.
Et il regarde tout le monde s’agiter pour sauver quelques meubles, quelques souvenirs, des photos. Je crains que, quelles que soient les paroles qui me viennent aujourd’hui, elles ne soient qu’un cri d’effroi devant la catastrophe qui s’avance vers nous.
Une catastrophe politique, sociale, symbolique et, pour certains d’entre nous, pour les artistes entre autres, morale.
«Oui, nous allons nous trouver très vite, immédiatement peut-être, devant un dilemme moral : que ferons-nous lorsque nous aurons un ministère de la Culture RN, un ministère de l’Éducation nationale RN, un ministère de la Santé RN ? Un ministère de l’Intérieur RN ? Je ne parle pas de l’incompétence probable, que je mets à part.
Je parle du moment où nous risquons de devenir des collaborateurs. Oui, à quel moment doit-on cesser de faire du théâtre sous un gouvernement RN ? Jusqu’où fait-on semblant de ne pas voir la détérioration des libertés et des solidarités ? Jusqu’à quand ?
Concrètement, à quel moment la démocratie est-elle subrepticement, puis notoirement, attaquée ? Que fait-on à la première loi qui passe et qui restreint arbitrairement les libertés ? A quel moment j’arrête ? Quand décide-t-on de fermer le Soleil ? Ou, au contraire, va-t-on se raconter qu’on résiste de l’intérieur ?
«Les loups qui s’approchent joueront les renards. Ils peuvent aussi nous gâter, nous flatter, nous financer. Avant de nous assujettir et de nous déshonorer. »
Ces questions me hantent. Je ne veux pas être un personnage de la pièce que nous avons joué en 1979, Mephisto, d’après Klaus Mann.
Un Front le plus large possible
«Lorsque je parle ainsi, c’est parce que, les RN, je les vois déjà aux manettes, en raison du bref laps de temps qui demeure pour empêcher leur arrivée.
J’attends de lire le programme de ce Front dit “populaire”. Je l’espère de mes vœux, je le souhaite le plus large possible, sinon, ce n’est pas un front.
«Je ne pourrai accepter ce qui ne serait qu’un nouveau masque de certains leaders de cette Nupes qui nous a fait tant de mal, car la politique ne doit pas être que tactique cynique au service de convictions plus brutales que sincères. Elle doit se fonder sur la vérité et l’amour de l’humanité.
«J’ai 85 ans et j’ai grandi avec cette certitude partagée par ma génération, qu’on allait vers le mieux, grâce notamment au programme du Conseil national de la Résistance. La situation actuelle était donc, pour moi, inenvisageable, jusqu’en 2002, quand, pour la première fois, le FN est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. Depuis, c’est ma hantise.
Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre.
Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds. On a insulté un gros tiers de la France par manque d’imagination. L’imagination, c’est ce qui permet de se mettre à la place de l’Autre.
Sans imagination, pas de compassion.
Il n’y avait autrefois aucun professeur qui votait FN. Comment se fait-il qu’il y en ait aujourd’hui ? Et tant d’autres fonctionnaires, si dévoués pourtant à la chose publique, qui votent RN, chaque fois davantage ? Aujourd’hui, je ne suis pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive. Une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis. J’en suis là. Une réflexion très sombre, incertaine et mouvante.
«Heureusement, nous, nous avons le public, et moi, j’ai la troupe. Heureusement, mon dieu, que je les ai, à mes côtés. Il y a de la bienveillance, de l’amour, de l’amitié, de l’estime, de la confiance. Avec ça, on résistera.»

Ariane Mnouchkine

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1 COMMENT
  • Roman - 18 janvier 2025 - Répondre

    Comme de nombreux écrivains et artistes ont été admirés, et comme tant de nations se sont inspirées de la France pour créer leurs œuvres, nous aussi devons agir sous les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Il est essentiel de dépasser les barrières linguistiques et les frontières, et de travailler ensemble avec respect et bienveillance. Nous devons rejeter les idéologies discriminatoires et devenir des interlocuteurs dignes, tout en aspirant à être un peuple élégant dans nos paroles et nos actions. Il est également crucial de retrouver la grâce et le raffinement qui faisaient autrefois la renommée de la France. Par le passé, même lorsque les mots ne suffisaient pas, la chaleur humaine de la France rayonnait, ce qui l’a rendue chère au cœur du monde entier. Cependant, ces dernières années, certaines images ou comportements sur les réseaux sociaux ou dans les rues, malheureusement, ternissent cette image. Cela nous invite à réfléchir profondément à ce que nous pouvons faire pour restaurer cette beauté intemporelle et cette dignité qui ont marqué l’histoire de la France.

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