D’une rive à l’autre, portrait d’un marinier d’eau douce

D’une rive à l’autre,
portrait d’un marinier d’eau douce
Réalisation Mireille Larroche, Gabriele Alessandrini
Documentaire durée 45’

LUNDI 17 OCTOBRE 2022 – 19H00

Saint Mammès est un petit village où se sont installés depuis des lustres les mariniers, au confluent de la Seine et du Loing, lieu de rupture du fret. Les bérichons, les nivernais, y rencontraient ceux de la basse Seine et du Haut de France. Les canalous y croisaient les mariniers de rivière. Autour de son église qui domine les quais, ils ne sont plus que quelques bateaux encore en activité. Les lourds chalands ont remplacé les péniches Freycinet et les bateaux de bois. Arrivés à l’âge de la retraite les vieux ont débarqué, ils ont troqué leur cabine fluviale contre une petite maison dont la façade donne, si possible, sur la rivière. Ils regardent passer les quelques bateaux qui continuent de naviguer, ils regardent s’éteindre un monde…

L’un d’eux s’appelle Serge Besle, il a 81 ans, il parle peu, le regard toujours précis. La rive est son unique repère, celle qui file dans son souvenir. De son enfance à sa retraite, de Marseille les Aubigny sur le canal du Berry à Saint Mammès sur la Seine, de Berlin jusqu’à Prague, de Paris jusqu’à Marseille, il a toujours en tête une voie d’eau qui se dessine.

Né sur un bateau en bois, fil et petit-fils, et arrière-petit-fils de marinier, il a connu les bateaux tirés par les chevaux, les automoteurs, les chalands convoyant plus de 20 000 tonnes de marchandises et aussi une péniche théâtre !
Ce qui aurait pu être un traditionnel documentaire sur un personnage sympathique, sur un métier qui se perd, sur l’abandon d’un mode de vie, va se révéler beaucoup plus original. Grâce à la rencontre de ce vieux marinier avec un jeune homme, Arthur, qu’il a vu grandir et à qui il transmet, comme à son fils, ses valeurs les plus précieuses. Puis avec une jeune femme, Chloé.
Arthur a 30 ans, Choé en a 25, comme beaucoup de jeunes citadins de leur époque, ils portent un regard nouveau sur la nature, et plus particulièrement sur l’histoire des bateliers. Arthur est régisseur de théâtre. C’est un manuel, travailleur et sérieux qui porte un regard étonné sur
le monde. Chloé est une éternelle voyageuse, aux tatouages de forçat et à la force de baroudeuse.
On s’attache tout de suite à leur façon, à tous deux, d’écouter, d’imiter, de suivre les directives du marinier.
De fleuves en canaux, de village en village, de spectacle en spectacle, sur la péniche Adélaïde, qu’il convoie en leur compagnie, Serge Besle, devient bateleur.

Les paysages somptueux se déclinent sur 360°, toujours en mouvement, à cinq kilomètre heure ! A cette vitesse on ne sait plus si c’est le paysage qui se déroule ou l’embarcation qui glisse, sur le ruban de l’eau. On ne sait plus très bien où commence la nature et où elle s’arrête. Les personnages se diluent dans le paysage.
« On a un beau, un très joli métier… », dit Serge « … En travaillant on se promène ! … » Les silences sont longs, intenses entre chaque phrase, comme si les mots prenaient le temps de venir à la bouche : « …Ce que je préfère dans ce métier c’est qu’on est libre ! … Le matin on ne va pas pointer ! On est libre !… La liberté ça coûte cher mais on est libre ! … C’est un peu l’histoire des forains … ». Maurice Ravel, Frantz Schubert, Django Reinhardt, Betsy Jolas, Philip Glass et Olivier Messiaen composent la « musique des forains », au fil des images qui se déclinent au rythme des saisons :
L’automne à Saint Mammès sur le canal latéral au Loing
L’hiver à Paris sur le canal st Martin, sa voûte sous la Bastille et ses douze écluses
Le printemps sur l’Yonne, le passage du pont d’Auxerre et le démontage de la marquise
L’été en tournée théâtrale sur la Marne et le canal des Ardennes

Ce film qui aurait pu être mélancolique et passéiste, se nourrit du regard de la jeunesse sur un monde qui est entrain de lui échapper. Plus que le portrait d’un marinier Serge Besle, 81 ans, c’est un documentaire sur la passation. D’une époque à l’autre, d’un siècle à l’autre, d’une génération à l’autre, d’un paysage à l’autre… D’une rive à l’autre !

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